vendredi 20 novembre 2020

LA COUR DES MIRACLES tome 2 : la chronique de TOUT EN BD

Les arrestations d’Anacréon et de la Marquise sonneront-elles le glas de la cour des miracles du cul-de-sac Saint-Sauveur? Suite d’une guerre de succession pleine de rythme mêlant fiction et réalité historique.

Maintenant qu’Anacréon, roi des gueux, croupit en prison, le Premier Ministre Colbert et le lieutenant Gabriel de la Reynie s’attachent à éliminer les multiples cours des miracles de la capitale. Mais la Marquise n’a pas dit son dernier mot. Après avoir échappé à la déportation vers le Nouveau monde, la fille d’Anacréon décide de réorganiser la cour du cul-de-sac Saint-Sauveur et la résistance.

Stéphane Piatzszek et Julien Maffre poursuivent leur pentalogie au coeur du Paris miséreux du XVIIe siècle. La guerre de succession pour régner sur l’une de ces cours commence vraiment et offre rythme et rebondissements. Alors que le fil rouge de l’intrigue est basé sur une réalité historique – Paris et autres grandes villes abritaient à cette époque des cours des miracles, sorte de société mafieuse composée d’un souverain régnant sur des voleurs, des prostituées, des mendiants, des faux éclopés et quelques vrais infirmes -, le scénariste mêle efficacement Histoire et fiction, faisant se croiser grandes figures historiques et illustres inconnus de basse extraction. Violente, crasseuse et glauque, l’atmosphère particulière de ce Paris d’après Moyen-âge est bien mise en valeur par le dessin semi-réaliste de Piatzszek visiblement bien documenté. On s’y croirait et pour un peu on sentirait même les effluves nauséabondes des ruelles parisiennes.

Par Tout en BD


samedi 7 novembre 2020

LA PROMESSE DE LA TORTUE : ILLUSTRATION INEDITE

 Avant de poursuivre plus tard les études de personnages de TieKo sur la série, je ne résiste pas à l'envie de vous dévoiler une illustration inédite de TieKo mettant en scène les trois jolies héroïnes du récit.

Cliquez sur l'aperçu pour découvrir l'intégralité de ce dessin tout en finesse dans ses versions noir et blanc et en couleur :


dimanche 1 novembre 2020

BRANCHE CULTURE : ARTICLE DU 20 OCTOBRE 2020 (par Alexis Seny)

En bateau ou en train, Piatzszek nous entraîne au large, dans l’aventure sans couvre-feu, charbonneuse ou face aux dangers pirates.

En un peu plus de dix ans de carrière dans le monde du Neuvième Art, Stéphane Piatzszek s’est composé une bibliographie sans réelle fausse note et s’essayant à divers genres tout en nourrissant des lignes directrices: l’histoire, l’étude sociale, l’aventure, le rock’n’roll aussi. Grand Angle donne au scénariste un peu plus d’aisance et de latitude pour aller plus loin.



Kilomètre zéro: un kilomètre en train, ça use, ça use…

Résumé de l’éditeur : Mulhouse 1830, le rêve fou d’un pionnier du rail, l’histoire vraie de la création de la première ligne internationale de chemin de fer. Une saga industrielle… Nicolas Koechlin, l’homme le plus riche d’Alsace, se lance dans un projet fou : la construction de la plus grande ligne de train internationale de l’époque : le Strasbourg/Bâle. En ces années 1830, le train n’en est qu’à ses balbutiements. Nicolas va relever ce défi avec son courage, sa générosité, mais aussi sa rouerie et sa folie.

Natif de Mulhouse mais ayant déjà pas mal bourlingué, Stéphane Piatzszek revient à la source mais s’interroge sur les fondements des grands voyages. À commencer par les trains. Et pour alimenter la bête, Stéphane Piatzszek a eu la bonne idée d’aller chercher le charbonneux et chaleureux Florent Bossard. On était tellement triste que son prometteur Léviathan, en compagnie de Luc Brunschwig, finisse en eau de boudin. Le voilà relancé, à toute vapeur, dans une trilogie sociale et industrielle qui lui va bien. Florent Bossard, excellent qu’il est, dans l’étude des décors, des hommes et femmes d’en haut comme d’en bas, des émotions et des réactions, tout en laissant des sortes de voiles sur les visages imprécis.



C’est un allié de choc pour les passionnants débuts que propose Piatzszek en alliant le récit choral aux décisions unilatérales d’un patriarche mégalo qui voulait instaurer le cheval de fer au pays des filatures. Un incroyable pari qui risquait de changer la face de l’Alsace, voire de la France. Toute la documentation passe crème dans ce récit intelligent, qui oppose le crayon et le charbon aux déterminismes pouvant miner les classes inférieures comme supérieures. Quand des enfants meurent de travailler trop tôt et que d’autres luttent pour s’affirmer. Comme cette fille (et elle fait bien d’être en couverture, affirmant le parti pris des auteurs) qui veut avoir une voix et ne pas être l’objet de son père décisionnaire. Comme cet héritier qui avait tout planifié au Brésil et s’était marié en secret avant de déchanter, appelé comme homme de main et d’argent en France.

Passant d’un destin à l’autre, Florent livre d’impressionnantes images, comme s’il s’y était rendu avec sa machine à remonter le temps, du port, des industries, des scènes de foule. Sur quelques mots d’Hugo, Piatzszek utilise les bons réflexes pour situer l’Histoire et lui rendre sa noblesse mais aussi sa rudesse. Entre les mines graves et les sourires des puissants en vue d’un grand coup. Mais les rails sont encore longs à poser.


La promesse de la tortue

Résumé de l’éditeur : En 1642, deux ans après son héroïque reprise de l’île de la tortue aux Anglais, le gouverneur Levasseur fait venir des prisonnières françaises, voleuses et prostituées, pour servir d’épouses aux flibustiers et sédentariser la population. Parmi elles, Quitt, Apolline et Louise, trois femmes catapultées dans un monde violent et exclusivement masculin, vont conclure un pacte d’amitié pour s’entraider et survivre coûte que coûte. Mais dans cette période de fureur, leurs routes et leurs aspirations vont bientôt diverger, mettant leur amitié puis leur vie même en péril.


L’Île de la Tortue a le vent en poupe, continuant de fasciner et d’appeler les fantasmes flibustiers laissant le goût de l’eau salée. Après Raven, en position de femme forte et terrifiante sur l’île aux pirates, place à un trio qui, de son bateau malmené par les flots, pensait bien ne pas avoir son mot à dire en territoire viril, sans foi ni loi, ou presque.

Quitt, Apolline et Louise font partie du contingent de prisonnières et femmes aux moeurs légères envoyées par la France dans les Caraïbes, dans un milieu où peu de femmes, de leur plein gré, veulent se faire une place. Vendues comme esclaves ou futures fiancées, au petit bonheur la chance parmi les crapules plus ou moins distinguées, les trois femmes font déjà valoir une sacrée trempe. Elles se lient d’amitié dans un pacte qui doit les souder à jamais dans la protection les unes des autres. Ce pacte qui sera mis à mal par les bras masculins que ces dames de petites vertus, dit-on, trouveront pour les consoler ou les malmener, dans des microcosmes très différents, même si l’île est petite, elle est cosmopolite.

D’autant plus que les Anglais cherchent à remettre la main sur la Tortuga de mar, que les jeux de pouvoirs ont la place libre et que ces femmes doivent devenir de vrais bonhommes pour survivre. Et fuir. À moins qu’elles ne trouvent leur place ici ? À moins aussi que trop de choses ne les retiennent en métropole. Avec des psychologies de personnages capables de dynamiter le décor, Stéphane Piatzszek, ici, ne perd jamais de vue que ses héroïnes sont battantes mais soumises à rude épreuve. Elles ne mènent pas ce monde par le bout de leur nez, elles subissent, elles survivent, avec du tempérament, tentant d’influencer la bulle salée qui les entoure.


Ça reste un peu gentil, un peu attendu, mais vu le caractère tempétueux des pirates, Piatzszek crée les remous à coups de rebondissements et de jeux d’influence bien dégainés. Au dessin et aux couleurs, Tieko et Fabien Blanchot font un équipage solide, dès la tempête en mer sur laquelle s’ouvre cet album. La faune des pirates mais aussi des femmes fraîchement arrivées est très diversifiée, ce qui rend d’autant plus crédible cette histoire qui entrechoque les vies et les fait souquer ferme. Il y a de la force de caractère, un côté brut mais sensible, dans le dessin de Tieko.

Là encore, c’est un triptyque qui nous emmènera au fin fond de cette histoire dont le sable masque une vraie poudrière.