En attendant le tome 2, revenons sur le magnifique tome 1 de cette série passionnante, avec quelques recherches graphiques supplémentaires de Florent Bossard.
A voir sur la page dédiée, en cliquant sur l'aperçu suivant :
En attendant le tome 2, revenons sur le magnifique tome 1 de cette série passionnante, avec quelques recherches graphiques supplémentaires de Florent Bossard.
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Anacréon en prison, la Marquise marquée au fer pour partir vers le nouveau monde, le royaume des miséreux semble être proche de la chute. Mais les auteurs Stéphane Piatzszek et Julien Maffre ont plus d’un tour dans leur sac pour faire rebondir cette balade historique où deux classes sociales que tout oppose vont devoir s’affronter.
Maintenant qu’Anacréon, roi des gueux, croupit en prison, le Premier Ministre Colbert et le lieutenant Gabriel de la Reynie s’attachent à éliminer les multiples cours des miracles de la capitale. Mais la Marquise n’a pas dit son dernier mot. Après avoir échappé à la déportation vers le Nouveau monde, la fille d’Anacréon décide de réorganiser la cour du cul-de-sac Saint-Sauveur et la résistance.
Stéphane Piatzszek et Julien Maffre poursuivent leur pentalogie au coeur du Paris miséreux du XVIIe siècle. La guerre de succession pour régner sur l’une de ces cours commence vraiment et offre rythme et rebondissements. Alors que le fil rouge de l’intrigue est basé sur une réalité historique – Paris et autres grandes villes abritaient à cette époque des cours des miracles, sorte de société mafieuse composée d’un souverain régnant sur des voleurs, des prostituées, des mendiants, des faux éclopés et quelques vrais infirmes -, le scénariste mêle efficacement Histoire et fiction, faisant se croiser grandes figures historiques et illustres inconnus de basse extraction. Violente, crasseuse et glauque, l’atmosphère particulière de ce Paris d’après Moyen-âge est bien mise en valeur par le dessin semi-réaliste de Piatzszek visiblement bien documenté. On s’y croirait et pour un peu on sentirait même les effluves nauséabondes des ruelles parisiennes.
Par Tout en BD
Avant de poursuivre plus tard les études de personnages de TieKo sur la série, je ne résiste pas à l'envie de vous dévoiler une illustration inédite de TieKo mettant en scène les trois jolies héroïnes du récit.
Cliquez sur l'aperçu pour découvrir l'intégralité de ce dessin tout en finesse dans ses versions noir et blanc et en couleur :
En bateau ou en train, Piatzszek nous entraîne au large, dans l’aventure sans couvre-feu, charbonneuse ou face aux dangers pirates.
En un peu plus de dix ans de carrière dans le monde du Neuvième Art, Stéphane Piatzszek s’est composé une bibliographie sans réelle fausse note et s’essayant à divers genres tout en nourrissant des lignes directrices: l’histoire, l’étude sociale, l’aventure, le rock’n’roll aussi. Grand Angle donne au scénariste un peu plus d’aisance et de latitude pour aller plus loin.
C’est un allié de choc pour les passionnants débuts que propose Piatzszek en alliant le récit choral aux décisions unilatérales d’un patriarche mégalo qui voulait instaurer le cheval de fer au pays des filatures. Un incroyable pari qui risquait de changer la face de l’Alsace, voire de la France. Toute la documentation passe crème dans ce récit intelligent, qui oppose le crayon et le charbon aux déterminismes pouvant miner les classes inférieures comme supérieures. Quand des enfants meurent de travailler trop tôt et que d’autres luttent pour s’affirmer. Comme cette fille (et elle fait bien d’être en couverture, affirmant le parti pris des auteurs) qui veut avoir une voix et ne pas être l’objet de son père décisionnaire. Comme cet héritier qui avait tout planifié au Brésil et s’était marié en secret avant de déchanter, appelé comme homme de main et d’argent en France.
Passant d’un destin à l’autre, Florent livre d’impressionnantes images, comme s’il s’y était rendu avec sa machine à remonter le temps, du port, des industries, des scènes de foule. Sur quelques mots d’Hugo, Piatzszek utilise les bons réflexes pour situer l’Histoire et lui rendre sa noblesse mais aussi sa rudesse. Entre les mines graves et les sourires des puissants en vue d’un grand coup. Mais les rails sont encore longs à poser.
En attendant la sortie du prochain tome, revenons sur la genèse de la série, avec de nouvelles études de personnages de la main du fabuleux dessinateur Tieko :
Après la proposition de couverture non retenue d'il y a quelques jours, restons sur "Kilomètre Zéro", avec de magnifiques études graphiques au crayon de Florent Bossard sur les personnages de la série.
A voir, comme d'habitude, en cliquant sur l'aperçu :
Milieu du XIXe siècle, Eliza vit avec père et grand-père sur une plantation en Martinique. La demoiselle rêve de moderniser la sucrerie familiale pour un faire une rhumerie moderne « avec des grosses cuves de métal et toute cette vapeur », mais elle est confrontée à l’immobilisme patriarcal et, surtout, au manque de fonds. Pour trouver le financement nécessaire à son projet, elle est déterminée à épouser Paul, son cousin, qui l’aime éperdument et pour lequel elle ne ressent rien.
Je suis très heureux de vous annoncer l'ouverture d'une nouvelle rubrique consacrée à une série que j'aime beaucoup : "Kilomètre Zéro". Un seul tome est paru à ce jour, mais d'emblée les auteurs savent nous passionner avec cette épopée ferroviaire qui s'annonce riche, instructive et divertissante à la fois. La série est servie par le merveilleux dessin de Florent Bossard, en parfaite adéquation avec le scénaio de Stéphane Piatzszek.
Pour commencer, je vous propose de vous rendre sur cette nouvelle rubrique afin d'admirer une illustration non retenue pour la couverture du tome 1, qui n'en demeure pas moins être magnifique.
En attendant la sortie du tome 2, plongeons-nous dans les coulisses de la série avec, aujourd'hui, quelques études de personnages de la main de Tieko.
Ces premières recherches sont à découvrir sur la rubriques dédiée à la série en utilisant le menu de droite ou directement en cliquant sur l'image ci-dessous :
Il y a quelques semaines, je vous dévoilais l'illustration de couverture du tome 3. Voici la même illustration, mise en couleurs :
Kilomètre Zéro: les pionniers du rail
En mettant en images la construction, dans l’Alsace du 19e siècle, de la plus grande ligne ferroviaire de l’époque, la bande dessinée Kilomètre Zéro de Stéphane Piatzszek et Florent Bossard propose une allégorie poignante sur « l’inexorable marche du progrès ».
À la fois ingénieur, entrepreneur, député du Haut-Rhin et homme le plus riche d’Alsace, Nicolas Koechlin est la figure centrale de Kilomètre Zéro. En 1836, devant un trafic fluvial et terrestre connaissant une densité sans précédent, le visionnaire sent que les convois et les diligences ne suffiront plus encore longtemps pour répondre aux besoins d’une industrie en plein essor. Il lance alors la construction d’une voie ferrée afin de permettre le transport des marchandises comme des personnes entre la ville de Mulhouse, qu’il habite avec sa famille, et celle de Thann, et si son projet semble ambitieux, il ne s’agit que d’un simple essai pour Koechlin, dont le but avoué est d’ériger la plus longue ligne française (et internationale) de l’époque, soit pas moins de 140 kilomètres de rails reliant Strasbourg à Châle.
On pourrait penser que la création d’une voie ferrée dans l’Alsace de 1836 est un sujet lointain présentant peu d’intérêt, mais au-delà d’une chronique sur un simple exploit technique, Kilomètre Zéro dépeint surtout une société où tous les aspects de la vie étaient assujettis à l’entreprise, même les relations conjugales. Le patriarche Koechlin déclarera d’ailleurs à sa fille : « Tu n’épouses pas ton cousin, ma chérie, mais la plus puissante fabrique de métiers à tisser d’Alsace ». En revenant sur une époque où un député pouvait continuer de diriger sa propre compagnie, où la mission du journal local était de promouvoir l’œuvre des industriels, et où les corporations se chargeaient d’instruire les enfants qu’ils faisaient travailler dans des conditions dangereuses pour leur santé, on comprend beaucoup mieux l’avènement des syndicats et des lois modernes encadrant les droits des travailleurs.
Tout en respectant à la lettre la réalité historique derrière le récit, Kilomètre Zéro prend souvent des allures très dickensiennes, en faisant par exemple une large place au personnage de Doomi, un adolescent qui finira par délaisser son travail à la fabrique, où il engouffre des pelletées de charbon dans la cuve, pour devenir l’un des tout premiers cheminots du pays, et dont le jeune frère, Fink, souffre d’une phtisie cotonneuse causée par son travail à l’usine. Même s’ils font partie de la petite bourgeoisie et profitent d’une aisance matérielle plutôt enviable, les enfants Koechlin ne semblent pas beaucoup plus heureux de la vie que le patriarche a décidé pour eux, au point où la fille de la famille, Salomé, dénoncera vigoureusement les conditions de travail des enfants à l’usine de son père… dans le journal lui appartenant !
Évidemment, une bande dessinée historique se déroulant dans les années 1830 n’est pas particulièrement propice à la fantaisie picturale, mais d’un trait fin et élégant, où les crayonnages au plomb sont renforcés par des touches d’encre ou de fusain, le dessinateur Florent Bossard incorpore une belle dose de poésie aux paysages enfumés de la ville de Mulhouse, qualifiée de Manchester française, et il insuffle une dimension quasi dantesque à son usine de la révolution industrielle, avec sa gargantuesque cuve à charbon surnommée « Mademoiselle ». Utilisant le mauve, l’ocre ou le bleu électrique, la coloration sublime le réalisme des illustrations pour leur donner un aspect plus moderne, presque intemporel, et l’album se conclut sur un dossier de huit pages, portant sur la ligne Strasbourg-Châle, la ville de Mulhouse, le personnage de Nicolas Koechlin, ou les toutes premières locomotives à vapeur.
Sorte de Dickens à la sauce alsacienne, Kilomètre Zéro illustre la naissance de notre société moderne où le progrès, bien que désirable, s’effectue trop souvent au détriment des vies humaines, et ce premier tome inaugure de belle façon la trilogie du rail prévue par Piatzszek et Bossard.
La Promesse de la Tortue T1 nous propose une aventure à l’île de la Tortue. Une aventure mettant en scène trois femmes de caractère opposées mais qui vont devoir s’unir pour survivre aux terribles preuves qui les attendent.
Résumé : Nous sommes en 1642, à bord d’un bateau en provenance de la France qui vogue vers l’île de la Tortue. Un bateau dont la cargaison est constituée de... Femmes ! Prostituées, reprises de justices, elles sont destinées, ou condamnées, à épouser des français établis à la Tortue pour sédentariser les colons.
Quitt, Louise et Apolline sont trois de ces femmes que les circonstances vont rapprocher. Elles vont se prêter serment d’entraide à la vie à la mort. Mais la dure réalité de la Tortue va mettre à mal ce serment. Trois femmes différentes, qui vont s’allier mais dont les objectifs vont se contrarier.
Apolline veut juste survivre et éviter les ennuis, Louise veut refaire sa vie à La Tortue et Quitt veut juste... retourner en France. Ces trois personnages majeurs sont entourés d’hommes aux caractères bien définis également. Ce premier tome pose l’univers, crée les liens entre les différents personnages et nous pose le cadre historique. Ce volume est le premier jalon d’une trilogie qui nous promet rebondissements et actions.
On réalise également le statut des femmes au dix-septième siècle. Embarquées de force sur un bateau pour repeupler et sédentariser des colons, on a quand même vu mieux. Malgré ces conditions difficiles, chacune va tenter de s’en sortir.
Ces trois femmes nous paraissent attachantes. On comprend rapidement les enjeux. Quitt nous apparaît vite comme le personnage principal. Ses enjeux sont majeurs. On se demande à la fin de ce premier tome comment l’histoire va évoluer.
Les dessins de Tieko contribuent à l’immersion dans cet univers. Galions, costumes, armes, tout vous replonge en cette époque troublée. Les compositions varient au fil des pages, permettant d’éviter toute monotonie visuelle. L’histoire avance doucement, au rythme de la mise en place des différentes situations.
La mise en scène nous tient proche des personnages, leurs regards, leurs positions, mettant en avant leurs sentiments.
Les couleurs de Fabien Blanchot apportent le soleil des îles à cette histoire sombre de femmes condamnées au mariage avec des inconnus.
La Promesse de la Tortue T1 offre un premier tome qui pose les bases d’une histoire dont on ne sait comment elle va évoluer... Un récit dont on serait bien curieux de lire la suite.
La succession ne se passe pas comme prévu au royaume des voleurs...
Résumé : Anacréon, le roi des gueux parisiens, est enfermé, laissé pour mort dans les geôles royales. Son fils est mort lors d’un raid des mousquetaires, et sa fille, la marquise, s’apprête à être déportée en Guyane. Pour les différentes Cours des miracles, le glas semble avoir sonné, mais ces bougres semblent avoir le cuir et le coeur solides.
Second tome publié d’une série qui en comptera cinq, Vive la reine ! est donc une suite qui compte bien donner du corps et du cœur à ses personnages. Le titre dévoile de manière assez explicite le protagoniste en tête d’affiche, ce sera donc une femme, à la lame d’acier et la langue acérée. Entre ordres stratégiques pour organiser résistance aux forces du guet et manœuvres politiques pour rallier ses partisans, les entrelacs sournois prennent presque le pas sur les scènes d’action, jusqu’à ce qu’un assaut soit donné. Entretemps, le vieux Anacréon parvient à ne pas se faire oublier, et l’on sent que le troisième tome amènera son lot de trahisons et de morts, dans la lignée des deux premiers. Il y a donc de quoi faire dans cette Cour des miracles, qui amène jusqu’à présent bien des surprises et des coins cachés de l’Histoire.
Le dessin n’échappe pas à cette idée d’une partie plutôt sombre à dévoiler, puisque hormis quelques écarts du côté des palais, ce sont les ruelles les plus fangeuses et les cachots les plus profonds qui sont donnés à voir. La saleté, la boue et le sang sont ainsi constamment à l’image, et les défécations facilement évoquées. Attention tout de même, l’ensemble reste clair, presque chatoyant par certains aspects, des couleurs habituelles dans la collection Quadrants de Soleil. Pas de panique, ce n’est pas du Zola, mais bien du Dumas qui se dessine sous les yeux du lecteur, qui peut donc être assez jeune et non averti pour suivre ces aventures où l’honneur peut suivre bien des sentiers.
Jolie suite, avec une héroïne de la trempe d’une reine redoutable qui s’impose, des retournements de situation intéressants, comme un chaos propre à ces quartiers pauvres et délabrés, qui sont autant de poudrières que l’on mérite de dessiner.
Le Vieux docteur A.T. Still, Pionnier de l’ostéopathie, la chronique ostéopathe
Résumé de l'histoire d'un précurseur:
Le docteur Andrew Taylor Still expose de manière ludique le nombre d'os du corps humain devant une foule intéressée dans une sorte de grand théâtre. Puis il se met à raconter son histoire. Il est né en 1828, dans une famille de méthodiste. Le petit Andrew apprend la religion, la vie, et tout ce que son père peut lui enseigner. Andrew pourra accompagner son père dans ses interventions religieuses et surtout médicales. Et pourtant, à un moment, Andrew constate que la médecine, dont il a été une des victimes de l'époque, ne remplit pas son rôle. Pourquoi ? Et comment rectifier le tir ? Cette question va entraîner le travail d'une vie, qui traversera les guerres civiles américaines jusqu'à trouver sa réponse avec une nouvelle méthode révolutionnaire, l’ostéopathie...
Scénario d'une vie entière consacrée à soigner son prochain:
Cette BD est l'occasion de découvrir l'incroyable vie du docteur Still. C'est aussi un regard sur une époque, la route des colons Américains vers des terres nouvelles, la quête de la frontière, l'exploitation d'un territoire immense et ses combats entre esclavagistes et anti-esclavagistes. Sur les traces de son père, Still se positionne contre l'esclavage, et cela lui vaudra bien des ennuis. Heureusement, il s'avère être un bon médecin. Mais cela ne lui suffit pas, voyant la mort s'abattre autour de lui, et surtout sur les siens, il s'affaire à trouver une méthode plus efficace que la médecine de l'époque. Et c'est ainsi qu'il va révolutionner le monde avec l’ostéopathie.
Rejeté au départ, considéré comme un mécréant, un suppôt de Satan ou au mieux un charlatan, Still va se déplacer à travers les États-Unis, soignant qui l'accepte comme médecin, avec plus de succès que ses confrères et moins de douleur.
Still n'abandonnera jamais son combat pour une médecine plus douce et moins catastrophique et il aura bien raison au final. Cette BD nous montre aussi qu'il n'était pas le meilleur des hommes, et que l'ouverture qu'il défendait étant jeune l'a un peu quitté sur ses vieux jours. Mais le personnage est assez incroyable en lui-même pour qu'on se plonge avec étonnement dans cette histoire.
La narration originale qui démarre sur cet homme jonglant avec des os redevient un peu classique dès que l'on entre dans le flash-back qui repart sur la naissance du docteur. Et pourtant, la BD est passionnante car la vie de cet homme est passionnante. Et Stéphane Piatzszek utilise ce matériau de base pour nous offrir un récit riche et foisonnant.
Le dessin coloré et vibrant:
La BD prend une plus grande ampleur encore grâce au dessin de Benoît Blary. Ce trait réaliste mais surtout ces couleurs réalisées à l'aquarelle sont bluffantes.Chaque case nous entraîne dans un petit tableau où les ciels clairs, les étendues d'herbe vertes, les portraits ombrés prennent force dans la couleur. Les pages dynamiques, soit par les compositions, soit par la mise en scène, renforcent le récit et lui apportent une énergie visuelle. Même si la peinture fige un peu les poses, selon moi, la magie des aquarelles attire le regard vers les différents éléments de la case. Du coup, la position des textes dans les planches avec des bulles carrées, contribue à l'effet de tableau des grands dessins.
Même un simple mur peut tout d'un coup vibrer de couleurs avec le jeu des dilutions et du tracé, pour le plus grand plaisir de l’œil.
Conclusion :
Le Vieux docteur A.T. Still, Pionnier de l’ostéopathie est l'occasion de découvrir la vie d'un homme qui a changé l'histoire de la médecine. Une biographie vivante, magique au dessin libre et aux aquarelles envoutantes.
Résumé : Nous sommes en 1845. La Martinique est encore dominée par le système économique de la plantation fondé sur l’esclavage, un mode de production qui apparaît de plus en plus archaïque à l’heure où l’Europe fait sa révolution industrielle. Les critiques sur l’inhumanité de l’esclavage se font entendre en métropole. Les patrons de plantations s’endettent tandis qu’une usine de transformation de la canne à sucre, symbole de modernité, vient d’être inaugurée sur l’île. Issue d’une ancienne famille de planteurs, Eliza Huc sort du couvent pour retourner au domaine familial. Enfin libre, elle doit néanmoins subir l’autoritarisme de son grand-père, l’un des planteurs les plus réactionnaires de l’île. Plus lucide que son aïeul, elle comprend que le système des plantations est à l’agonie…
C’est une part de l’histoire de France qu’interrogent le scénariste Stéphane Piatzszek et le dessinateur Gilles Mezzomo. Le choix de montrer l’agonie du système de plantations à la veille de l’abolition de l’esclavage par la Deuxième république s’avère pertinent. L’esclavage – et le racisme qui légitime cette pratique – est montré sans détour dans toute sa violence, une réalité tragique qu’il ne fallait pas édulcorer. Le personnage de Volny, ancien esclave devenu planteur à son tour, est à cet égard très intéressant puisque son existence même interroge la hiérarchie raciale inhérente au système de la plantation. La jeune Eliza, bien qu’elle agisse régulièrement de manière inconséquente, suscite l’empathie du lecteur pour sa révolte contre ce système, mais aussi parce qu’elle a de la suite dans les idées…
Le lecteur suit ainsi la turbulente Eliza avec plaisir dans un premier tome riche en rebondissements. Le dessin de Gilles Mezzomo est sobre et réaliste, sans exagération malvenue, et le découpage assure une lecture fluide. Le dessinateur a également effectué un travail sérieux pour la reconstitution des décors. La colorisation assurée par Céline Labriet donne des teintes chaudes très réussies à cet album. Le choix de placer des dialogues en créole (traduit) participe également à l’effet d’immersion.
Ce premier volume offre une reconstitution réaliste et dynamique du système esclavagiste en vigueur en Martinique. Une lecture plaisante et utile pour comprendre la dynamique socio-économique qui a mis définitivement fin à l’esclavage dans les colonies françaises.
Kilomètre zéro, une épopée ferroviaire : les Koechlin, pionniers du rail à Mulhouse au XIXe s
Parmi les phénomènes structurant l’histoire du XIXe s, le passage de l’échoppe à l’usine puis les révolutions des transports et du commerce façonnent profondément et durablement les paysages et les sociétés européennes. Dans Kilomètre zéro, une épopée ferroviaire, Stéphane Piatzszek et Florent Bossard nous racontent ces bouleversement à hauteur d’une ville, Mulhouse, fief de la dynastie des Koechlin. Grâce au duo équilibré formé par la fille rebelle du patron et le jeune ouvrier prometteur, ils livrent une approche pertinente de la vie quotidienne et des mentalités de classes dans une cité industrielle sous la Monarchie de Juillet.
Stéphane Piatzszek, scénariste prolifique, n’a sans doute pas eu à remuer ciel et terre pour imaginer l’ambiance générale de sa nouvelle trilogie, publiée et à paraître dans la collection Grand Angle, aux éditions Bamboo. Résidant à Mulhouse, il s’est intéressé, en voisin, à une riche séquence d’histoire locale et régionale : la construction des vingt kilomètres de la première ligne de chemin de fer alsacienne entre Mulhouse et Thann, décidée en 1836. Bien que n’étant pas la toute première en France (elle a été devancée par la ligne Saint-Étienne-Andrézieux, inaugurée en janvier 1828), elle rivalise en notoriété avec la ligne Paris-Saint-Germain-en-Laye, ouverte en août 1837, destinée au transport des voyageurs et qui jettera les bases du réseau radial centré sur Paris. Au-delà de l’anecdote, cette arrivée du train à Mulhouse a cependant joué un tel rôle économique et social que c’est là que s’est ouvert, en 1971, le « Musée français du chemin de fer », rebaptisé depuis « Cité du train-Patrimoine SNCF ».
À leurs débuts, les chemins de fer sont le plus souvent des préoccupations d’industriels. La finalité des voies ne réside que dans le transport de marchandises ou de matières premières, en premier lieu le charbon extrait des mines, de leur lieu de production/extraction vers leur lieu de transformation : l’usine. Mulhouse n’échappe pas à la règle. La Société Industrielle de Mulhouse* (S.I.M.), fondée en 1825, entrevoit clairement les potentialités de cette innovation technique mise en œuvre dans le Forez. Sous son patronage, le 25 mai 1836, l’ingénieur Nicolas Cadiat est en mesure de présenter ses premiers travaux sur la réalisation d’une ligne ayant Mulhouse et son remarquable réseau d’usines textiles comme ancrage. Parmi les membres auditeurs de l’exposé, le grand patron Nicolas Koechlin ne l’entend pas de cette oreille, puisqu’il a déjà imaginé, en visionnaire, le même projet ouvert à la circulation des marchandises et des voyageurs.
Au siège de la S.I.M., l’ingénieur Cadiat convainc sans peine les futurs acteurs des bienfaits de la construction d’une ligne ferroviaire qui approvisionnerait les filatures mulhousiennes en soulageant les trafics fluvial et terrestre saturés.
Moins célèbre que d’autres dynasties d’industriels français (Peugeot à Sochaux, Schneider au Creusot, Michelin à Clermont-Ferrand), celle des Koechlin les supplante toutes dans son fief mulhousien. Cette famille, élevée au rang d’institution, entretient encore de nos jours sa légende**. Le rameau généalogique ayant attiré l’attention de Piatzszek est celui de Samuel (1719-1776). En 1746, il crée à Mulhouse la première manufacture d’indiennes (étoffes imprimées). L’entreprise connait un grand succès et déclenche la vocation industrielle de la lignée, promise à un bel avenir puisque la seule épouse de Samuel, Elisabeth Hofer, met au monde dix-sept enfants. L’aîné, Jean (1746-1836), épouse Cléomène Cléopha Dollfus en 1769 et de cette union naissent vingt enfants entre 1770 et 1797, quelques temps avant que Mulhouse n’intègre, contrainte et forcée, le giron français (1798). Le dixième de la fratrie se nomme Nicolas. Il voit le jour en 1781, épouse en premières noces Ursula Dollfus (qui meurt en 1802 en même temps que leur bébé) puis en secondes noces Anne-Marie Baumgartner en 1802. Six enfants naissent de cette union, dont deux meurent prématurément.
A peine le mariage de Ferdinand a-t-il pris tournure que Nicolas informe sa fille aînée Salomé de ses projets matrimoniaux la concernant. Sur la force de caractère de la jeune fille repose en partie l’intrigue de ce premier volet.
Nicolas, homme pressé, décideur né, chef d’entreprise et millionnaire à vingt-et-un ans, n’entre en scène qu’à la page 18 de cet album dont il est pourtant la figure tutélaire. Pour magnifier sa stature et sa volonté de régner sur ses affaires et son entourage, les auteurs l’installent en maître de cérémonie du bal de mariage de son fils aîné, (Nicolas-)Ferdinand***. Il va sans dire que le paterfamilias régente les destinées de ses enfants dans le sens unique de ses intérêts économiques, financiers ou politiques, et que ceux-ci convergent. Le leadership de la fratrie lui échoit également. Qu’ajouter à ce tableau pour signifier l’omnipotence de Nicolas Koechlin à la cinquantaine passée ? Après avoir soutenu avec ferveur Napoléon Ier y compris pendant les Cent Jours, il parvient à se faire élire député du Haut-Rhin de 1830 à 1841. Obtenir de ses pairs la concession de la ligne Mulhouse-Thann (page 54) puis le soutien du maire de Mulhouse, un certain André Koechlin (son cousin) s’avère ainsi des formalités. Pour financer son projet, il sollicite la banque bâloise des Mérian, des associés sûrs embarqués comme lui dans des affaires où les prises de risque partagées scellent de solides alliances d’intérêt. Pour garder le contrôle sur la société en commandite par actions créée à cet effet, il en devient l’unique administrateur-gérant. Enfin, un pouvoir ne serait complet s’il ne s’exerçait aussi par la presse. C’est pourquoi il fonde en 1835 L’industriel alsacien, journal de l’industrie, du commerce et de l’agriculture****, gazette hebdomadaire au contenu fort hermétique pour qui ne s’intéresse pas aux affaires ou à la Bourse.
A la une imaginaire de L’industriel alsacien, un article retentissant signé Salomé Koechlin, la propre fille de Nicolas, que Piatzszek a nanti d’une mission impossible : défier son père et le capitalisme au service de la cause ouvrière.
Kilomètre zéro n’aurait pu être que le récit de l’arrivée du chemin de fer dans la région mulhousienne, dont ce premier volet évoquerait le projet visionnaire d’un capitaine d’industrie toujours en quête de défis et la manière dont il impose froidement ses vues à ses fils, à ses frères et à ses associés. Avec justesse et habileté, le scénario parvient à greffer en miroir de cette chronique d’une réussite industrielle et technique annoncée une approche de la condition ouvrière dans le bassin mulhousien au début de la Monarchie de Juillet. Deux personnages, Doomi l’ouvrier et Salomé l’institutrice, vont personnifier cette évocation. Ils se rencontrent pendant l’heure de classe hebdomadaire où se déroule le cours d’alphabétisation. D’emblée, leur affection mutuelle séduit. Doomi n’est pas seulement ce jeune adulte éveillé qui, pour prix de ses remarquables progrès en lecture, se voit offrir un exemplaire de Notre-Dame-de-Paris. Il incarne le socle humain sur lequel est bâti, quoi qu’on en pense, la possibilité et la réussite du capitalisme industriel. Sur sa vigueur et sa dextérité repose en premier lieu le fonctionnement des usines textiles mulhousiennes. Il est en effet le petit soldat agile qui nourrit de charbon et régule le fonctionnement de « Mademoiselle », le surnom affectueux que son contremaître Le Suisse a donné à l’immense machine à vapeur alimentant en énergie toutes les machines-outils du secteur. Grâce à Doomi, Piatzszek peut montrer les conditions de vie d’une famille ouvrière normale à l’époque : les baraques un peu moins glauques que celles décrites par le docteur Villermé***** mais où des bébés pleurent la journée entière en attendant le retour du sein maternel, l’indispensable travail des enfants (qui nourrit la famille et rend le patron concurrentiel, pages 18 et 31), la phtisie cotonneuse qui tuera sans pitié le jeune frère aux poumons encrassés par les fibres textiles (page 28), le harcèlement ordinaire des petits contremaîtres qui abusent des ouvrières en exerçant du chantage à l’emploi (page 5), mais aussi l’école que ces patrons francs-maçons et protestants intègres ont créée, deux ans avant la loi Guizot de juin 1833 (pages 3-4).
La rencontre des deux « mademoiselles » de l’album, mais l’une se soumet plus docilement aux desiderata de Nicolas Koechlin que l’autre.
L’autre grande mademoiselle de cet album s’appelle Salomé Koechlin. Elle est bien la fille aînée de Nicolas, voit le jour en 1803… et là s’arrête à peu près toute ressemblance avec l’héroïne de Piatzszek. En vérité elle épouse (raisonnablement) l’un de ses cousins Mathieu Dollfus, en 1820. Pour les besoins de son intrigue, l’auteur en fait une précurseure du féminisme (elle rechigne à épouser son cousin par simple logique économique et familiale) et la dote d’une (mauvaise) conscience qui ne se satisfait pas d’occuper son temps dans les bonnes œuvres de charité chrétienne. Salomé veut soulever des montagnes, celles de l’injustice économique (« il suffit que le pain augmente de cinq centimes pour que [les ouvriers] tombent dans la misère », page 21, « le travail des enfants assure nos profits industriels et la survie des familles ouvrières : cela peut-il durer ? », page 28) et de la fatalité sociale (« je ne veux épouser personne et je veux écrire », page 29). Pour mener cette croisade donquichottesque, elle endosse d’abord le rôle de l’institutrice s’escrimant à éclairer les consciences ouvrières grâce aux lumières hugoliennes. Elle rédige ensuite et fait publier (en jouant de son patronyme) son premier article pour culpabiliser ceux qui ont la clé du problème entre les mains : les employeurs, c’est-à-dire les lecteurs de L’Industriel alsacien. Elle cherche des alliés au sein de sa propre famille, mais son petit frère Léopold (imaginé pour les besoins de l’histoire) rentre vite dans le rang quand le paternel lui expose ses devoirs de Koechlin et lui fait miroiter les perspectives fantastiques d’enrichissement et de pouvoir qui s’ouvrent avec la deuxième étape du projet ferroviaire, la ligne Strasbourg-Bâle. Dans son combat, Salomé n’a que Doomi pour allié, mais cela durera-t-il si ce jeune homme intelligent accède au grade de contremaître, comme sa fiancée veut s’en persuader ?
Grâce à une galerie de personnages attachants et à des dialogues fluides et didactiques, le lecteur s’immerge très facilement dans ce Mulhouse qui ne vit que par et pour ses industries. Les affres d’une Salomé ou d’un Léopold pourraient paraître ridicules, voire indécents, mais ils ouvrent de plus larges perspectives. Bien servi par le dessin et les cadrages dynamiques de Florent Bossard (qui ravira les passionnés de vieilles locomotives avec sa Sharp & Roberts, future locomotive « Napoléon »), cet album augmenté d’un dossier documentaire riche et précis évite tous les écueils de l’exposé laborieux sur la révolution industrielle. À la fin de ce premier tome, le voyage a semblé si plaisant qu’on a hâte d’embarquer de nouveau pour parcourir enfin la distance entre Thann et Mulhouse. Bercés par le mouvement pendulaire des wagons, Salomé, Nicolas et Doomi rêveront peut-être de ce monde nourrissant décemment chacune de ses laborieuses entités ou de cet autre dont les fruits les plus gourmands ne seraient picorés que par les magnats de la spéculation.
* : Officiellement fondée le 24 décembre 1825 par vingt-deux grands noms de l’industrie et de la banque, cette société savante se donne notamment pour but de « faire passer l’industrie de l’état empirique au rang d’une véritable science », en se procurant à cet effet toute la documentation scientifique nécessaire au progrès. Parmi les vingt-deux fondateurs, on trouve Émile Dollfus, qui la préside plusieurs années, Joseph Koechlin-Schlumberger qui en est le premier bibliothécaire, Pierre-Dominique Bazaine, ingénieur et futur concepteur du tronçon Mulhouse-Thann et, bien sûr, Nicolas Koechlin. Précision importante et qui souligne les liens forts entre ces fondateurs : douze sont inscrits à La Parfaite Harmonie, la loge maçonnique mulhousienne. La S.I.M. existe toujours sous la forme d’une association à but non-lucratif, et possède son site Internet.
** : comme en atteste le site www.koechlin.net, pensé comme miroir de la splendeur d’une lignée mais véritable mine d’informations historiques sur trois siècles d’histoire alsacienne.
*** : Selon les sources généalogiques familiales, ce mariage a été célébré le 4 mars 1836, ce qui met légèrement le scénario en porte-à-faux chronologique si on se réfère à la date inscrite assez lisiblement sur le tableau noir à la page 1 (9 mai 1836) et à celle de la réunion des membres de la S.I.M. page 35, le 25 mai 1836.
**** : la collection est archivée sur la base gallica.bnf.fr, notamment le numéro 23 de l’année 1836, visible à la page 28 sur https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3125090b.item
***** : Louis-René Villermé, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Paris, 1840, consultable sur Gallica.
Gilles Mezzomo vient de dévoiler le dessin de couverture pour le tome 3 des "Maîtres des Îles". A voir en vous rendant sur la page dédiée à la série :
Revenons encore une fois sur cette splendide série dont le tome 1 est paru en début d'année.
Après vous avoir présenté une version en noir et blanc de la couverture du tome 1 il y a quelques semaines, je vous propose aujourd'hui de contempler deux planches de Tieko en noir et blanc issues du prochain album. Une façon de redécouvrir son dessin à l'état pur et d'admirer la beauté exceptionnelle de sont trait.
A voir en vous rendant sur la page dédiée à la série (menu de droite) ou en cliquant sur l'aperçu ci-dessous :